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Coupure de presse

Alain Brunet, La Presse, 16 mars 2006

Saxophoniste, chanteuse, compositrice, productrice, responsable de la structure de distribution DAME, la Montréalaise Joane Hétu a eu plusieurs vies. En voici la synthèse… étoffée.

Avant de se consacrer exclusivement aux musiques d’avant-garde et se faire connaître à travers diverses formations (Wondeur Brass et autres Poules), Joane Hétu fut tisserande. Filature, que la musicienne croit son projet «le plus abouti», se veut en ce sens une allégorie musicale inspirée des matériaux utilisés par les tisserands: la chaîne, la trame et le motif. Pas moins de 100 minutes de musique, de danse et de projections audiovisuelles, et ce pour trois soirs consécutifs à l’Usine C.

«Ça fait d’abord référence à une période de ma vie que j’avais plus ou moins rejetée lorsque je me suis mise à la musique. Je me souviens d’ailleurs avoir été vexée par le fait qu’un article rapporte ma pratique du tissage lorsque j’ai commencé à faire des disques. Maintenant, c’est une façon pour moi d’intégrer ce passé à la plupart de mes expériences musicales qui rejaillissent dans ce projet.»

Cette œuvre de Joane Hétu consiste à transposer les étapes de la confection du tissu dans un univers musical. «Le tissage, estime-t-elle, est un métier qui exige de la méthode et de la rigueur. Il faut vraiment suivre les étapes, utiliser les bons matériaux pour accomplir un travail valable. «Et puisque le tissage comporte trois grandes étapes, ce «théâtre sonore» a été créé en trois actes: la chaîne, la trame et le motif.

«À la base de chaque tissu, explique la musicienne, le fil de chaîne exige des fibres nobles, plus résistantes, plus solides- soie, coton, laine, lin. En musique, j’ai choisi de sexuer ce fil en composant pour les musiciens de sexe masculin de l’Ensemble SuperMusique. Le danseur Daniel Soulières, pour sa part, incarnera l’onde, la tension du fil de chaîne.» Joane Hétu voit ainsi dans ce premier acte une «métaphore de la continuité, de l’union et de la stabilité.»

«Le deuxième acte, poursuit Joane Hétu, est celui du fil de trame, celui avec lequel on procède à un entrecroisement perpendiculaire pour créer le tissu. Dans le contexte de ma composition, je veux user de toutes sortes de “fibres”; duos, trios, solos etc. Ce fil de trame est conçu davantage comme un canevas d’improvisation réservé aux interprètes féminines de la formation. La danseuse employée dans ce contexte, Séverine Lombardo, aura un rôle théâtral et enjoué.»

La trame, résume la principale intéressée, est une métaphore de la fantaisie et de l’imagination du tisserand.

En dernier lieu, Joane Hétu a choisi d’exploiter le concept du motif, résultant d’un choix inspiré des fils de chaîne et de trame, c’est-à-dire la représentation ultime de la confection d’un tissu. Le troisième acte de Filature sera ainsi interprété par tous les musiciens et danseurs. C’est à ce stade précis que l’évocation de la tisserande émergera dans sa globalité.

Ajoutons à ces éléments de création l’intervention du cinéaste Pierre Hébert, qui procédera à un traitement en direct de courts métrages projetés sur de multiples écrans, sans compter le travail de Bernard Grenon à la sonorisation, Guillaume Bloch aux éclairages et Louis Hudon aux costumes, et nous avons ici un spectacle total.

«D’une certaine façon, croit Joane Hétu, l’ensemble de mon travail de musicienne se retrouve dans Filature. C’est ce qui représente le mieux ma musique: mon côté bruitiste, mes chansons, mes concepts plus abstraits, mes phrases courtes et nombreuses. C’est pour moi une mise à jour, une façon de faire le point. Je me sens d’ailleurs choyée d’avoir pu compter sur cette équipe fantastique pour parvenir à mes fins. J’ai vraiment travaillé fort, je suis très heureuse du résultat.»

FILATURE de Joane Hétu, «théâtre sonore» en trois actes présenté au Studio de l’Usine C jusqu’à samedi, 20h30.

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