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Coupure de presse

Frédérique Doyon, Le Devoir, 11 avril 2012

Un renard traducteur, une sirène miroir, un centaure qui galope: d’étranges bêtes traversent le récit musical Fables de La Breuvoir de Danielle Palardy Roger, présenté dès demain au Conservatoire de musique de Montréal.

La compositrice et percussionniste rend hommage à la parole des sons et à la musique des mots de six créateurs: trois Claude — Vivier, Jutra et Gauvreau — et trois femmes — la compositrice Ana Sokolović, la chanteuse Juliette Greco et la poète Gertrude Stein.

«J’ai toujours été très proche de la parole, c’est quelque chose qui me fascine», dit celle qui livre ici son troisième théâtre musical, après L’oreille enflée (1990), Candide sur une toupie (1994) et son oratorio Bruiducœur, prières des infidèles (2004). «J’adore Gertrude Stein, une des personnes qui m’a allumée sur la transformation par la langue, comment on comprend les mots, comment ils nous servent pour décrire ou imager.»

Femme de musique actuelle, écrite et improvisée, Danielle Palardy Roger a aussi écrit de nombreuses chansons pour les ensembles Wondeur Brass, Justine et Les Poules qu’elle a formés notamment avec Joane Hétu et Diane Labrosse, toutes trois cofondatrices des Productions SuperMusiques. Elle poussait encore plus loin la rupture du langage dans Voyage en Aphasie mineure (1998).

Dans cette nouvelle création, la comédienne Alexandrine Agostini campe La Breuvoir, qui raconte et déclame en huit tableaux une histoire fabuleuse autour de ces figures admirées et honorées. Elle est accompagnée de trois percussionnistes (Catherine Meunier, Isaiah Ceccarelli et Corinne René) qui jouent aussi les chœur et coryphée, ainsi que du vocaliste Gabriel Dharmoo.

«Gabriel, je l’appelle le renard traducteur, il intervient dans chacun des tableaux et commente, il devient les trois Claude, le centaure, il figure chacun des personnages à sa manière, explique l’auteure-compositrice. Le récit est tout le temps présent et la musique est tout autour, en dessous ou se dépose dessus.»

Après s’être présentée, La Breuvoir raconte sa rencontre avec les Claude, «trois génies, trois fous de faire et d’inventer». S’ensuit l’hommage à Ana Sokolović, qui prend la forme d’une sirène dont le centaure tombe amoureux.

«Je me suis inspirée d’une pièce d’Ana pour six voix, qui s’appelle Sirènes. J’en ai pris deux extraits que j’ai traités à ma manière», dit cette défricheuse de nouvelles musiques, qui a aussi fait naître le groupe Le Vivier, bientôt occupant de l’édifice Saint-Sulpice.

Outre la parole éclatée, les instruments percussifs aux sonorités étranges règnent donc sur la pièce. «Je suis beaucoup dans les objets, les frottements, les cymbales, les tambourines», dit celle qui transmet aux musiciens sa vision des percussions improvisées à partir de canevas, genre de partitions musicales bonifiées de notes et de dessins.

Kabassas, tingshas, kalimbas, cloche de vache et toutes sortes de grelots variés trônent, alignés sur une table, prêts à être maniés, dans le Studio multimédia du Conservatoire — qui demain deviendra la scène.

J’ai toujours été très proche de la parole, c’est quelque chose qui me fascine