Nicolas Caloia est connu pour son intégrité musicale et sa grande ouverture. Il est actif sur la scène montréalaise depuis le début des années 1990, à la fois comme contrebassiste, compositeur et organisateur. On peut entendre la musique de Caloia dans le cadre de collaborations avec Tristan Honsinger, Joe McPhee, Malcolm Goldstein, Lori Freedman, Matana Roberts, Yves Charuest, Sam Shalabi et Jean Derome, ou dans des projets antérieurs avec Roscoe Mitchell, Marshall Allen, Steve Lacy, Hassan Hakmoun, William Parker et Pandit Hariprasad Chaurasia. Il a signé plusieurs commandes pour le Quatuor Bozzini, Tour de Bras, Productions SuperMusique, FIMAV, Radio-Canada et CKUT 90.3 FM. Il se produit en tournée sur la scène internationale avec le trio à cordes In the Sea (avec Tristan Honsinger et Joshua Zubot), Silvervest (un duo avec Kim Zombik) et Mercury (un duo avec Lori Freedman). Nicolas a dirigé plusieurs ensembles pour lesquels il a composé la musique, notamment le Ratchet Orchestra, un ensemble de 20 musiciens qui s’est produit au Festival international de musique actuelle de Victoriaville (FIMAV), à L’OFF Festival de jazz, au Guelph Jazz Festival, au Jazz sur Mars et au Suoni Per Il Popolo. Il souhaite que sa musique puisse nourrir le corps, l’esprit, mais d’abord et avant tout, le cœur.
De plus en plus et depuis bientôt longtemps, les genres musicaux se mélangent et s’influencent les uns les autres. Le compositeur, contrebassiste et improvisateur Nicolas Caloia présentait hier soir en première une suite de sept mises en musique de textes poétiques de Geneviève Letarte: Les bonnes histoires. À peu près tout ce qui a marqué la musique au cours des 50 dernières années pouvait être soutiré de cet immense mash-up éclectique. Le jazz, du be-bop au free-jazz, la techno déconstructiviste ou funky, la musique de cabaret couleur berlinoise ou stravinskienne, le théâtre musical, la comédie musicale et j’en passe et j’en oublie. Tous étaient conviés dans une sorte de musique fusion, comme on parlerait de cuisine fusion.
En apéro, on entend d’abord un Prologue ou chacun est mis à nu dans un contre-emploi. Les maîtres improvisateurs que sont Lori Freedman et Jean Derome s’astreignent à une petite ritournelle de foire circassienne, tandis que le vocaliste Gabriel Dharmoo qui n’a pas nécessairement la formation vocale pour ce type de technique, chante en voix de tête à tue-tête. Dérangeant, ce premier volet trouve sa résolution dans le dernier, Soir Bleu, où les deux improvisateurs, Derome au saxophone et Freedman à la clarinette basse, transforment leurs sons en cris d’animal blessé dans une poursuite vers l’abîme inénarrable. Ça fait mal au ventre. Le vocaliste semble réellement inquiet de ce qui se passe sur scène. Il reprend sa mélopée en voix de tête, qui trouve ici tout son sens.
Entre les deux, de très belles musiques aussi. Dans le troisième mouvement, Fragment de ciel, un blues où le contrebasiste, Caloia, installe un léger problème d’arythmie cardiaque, tous les musiciens improvisent et se libèrent de la partition. On y ressent une réelle poésie. Le compositeur nous convie finalement, on commence à le comprendre, à une soirée de lecture musicale poétique. Un peu comme Allan Ginsberg pouvait le faire avec un Thelenious Monk dans les années 60, les musiciens collent leurs rythmes et leurs mélodies aux sons des mots. À moitié récité et chanté par Gabriel Dharmoo et Jean Derome, le texte est déconstruit. Ici le compositeur semble avoir appliqué les techniques d’écriture musicale de l’époque baroque au texte contemporain. Contrepoint textuel, mouvement de mots en fusée, spirale de syllabes, cette partie était une des plus réussies de toute la soirée.
Également notable et merveilleux, le cinquième mouvement, Se répand au soleil, un mouvement exclusivement musical, au fait un duo pour électronique et piccolo. Un groove funky, presque pas atypique donne une base merveilleusement solide pour que Jean Derome déploie de façon magistrale un scat flûté, une partie de jambe en l’air de sons aigus. Les trop peu nombreux spectateurs sont rentrés chez eux avec, encore en bouche, ces petits moments de pure alchimie poético-musicale.