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Coupure de presse

Paul Bazin, 15 avril 2011

Le 23 mars dernier, au Conservatoire de musique de Montréal, avait lieu un concert de l’Ensemble SuperMusique intitulé Géométries aléatoires. Codiffusé par le groupe Le Vivier, ce concert rassemblait sur scène une dizaine d’interprètes chevronnés dont le travail rigoureux ne pouvait que rendre justice aux compositeurs.

Les quatre pièces formant la première partie du concert — car c’était bel et bien un concert dans le sens le plus classique du terme, beaucoup plus qu’une simple séance d’improvisation (les puristes m’en voudront, mais il faut bien parler franchement!) — possédaient de nombreuses similarités, bien qu’étant d’inspirations fort différentes: toutes m’ont semblées élaborées sur un subtile contrepoint entre les sons et le silence, toutes avaient ce caractère méditatif qui requiert que l’on écoute «à l’intérieur du son». La pièce de Malcolm Goldstein, Espaces en mouvement, possède une texture souple où tout est à sa place. Les événements variés sont échangés, se répondent et contrastent sur un fondu sonore continu. Le caillou de Danielle Palardy Roger s’élabore sur une structure d’intensités où le souffle traverse tout. Des textures granuleuses et méditatives s’y superposent et semblent un collage musical évoquant de nombreux souvenirs. Le très d’actualité Atlas Eclipticalis de John Cage (le festival Montréal/Nouvelles Musiques faisait récemment revivre cette œuvre commandée il y a cinquante ans, à l’occasion de la Semaine internationale de musique actuelle) est d’un pointillisme d’époque où les séquences de timbres servent d’élément unificateur et forment, sur ce fond de ciel étoilé, les constellations voulues par le compositeur et les interprètes. Cette partie du concert se terminait avec la pièce Reinventing the Wheel de Jesse Stewart, commande des Productions SuperMusique. La mouvance des plages harmoniques et l’importance capitale d’un rythme générateur de mouvement y font alterner la musique entre un calme serein et des moments de grande activité, et ne laissent aucun doute quant à l’inspiration puisée par le compositeur dans les traditions musicales orientales.

La seconde partie présentait des œuvres de Diane Labrosse (Les cahiers) et de Sandeep Bhagwati (Oiseaux d’ailleurs). La première, échafaudée sur de courts épisodes de dynamiques variées, mettait en valeur plusieurs paires de contrastes: l’intensité et le calme, le dense et le dilaté, le continu et le bref, le rythmé et le souple. La pièce de clôture était, quant à elle, d’un magma sonore intense au cœur duquel la simultanéité des événements n’était pas sans rappeler les collages de la musique électroacoustique. Ceci dit, je tiens à souligner que, d’abord victime de la saturation que j’éprouvai à la fin du concert — rassurez-vous, j’aurais sans aucun doute été davantage saturé à la fin d’un concert de même durée ayant présenté des œuvres de Brahms ou de Mozart! — la pièce de M Bhagwati m’a fait l’immense plaisir de me laisser, en toute fin, ce sentiment enivrant de la fraîcheur d’une brume matinale chatoyante, sentiment dont je n’avais auparavant fait l’expérience qu’à l’écoute du mouvement Les Ressuscités et le chant de l’étoile Aldébaran, tiré de l’œuvre Des canyons aux étoiles d’Olivier Messiaen.

Enfin, comment taire la participation exceptionnelle des musiciens qui, dans pareil contexte de musique actuelle, partagent avec le compositeur le rôle de créateurs. Le sérieux de leur démarche ainsi que leur total investissement étaient palpable en tout instant et ont contribué à faire de cet événement la preuve indiscutable que la musique est plus que jamais vivante.

Le sérieux de leur démarche ainsi que leur total investissement étaient palpable en tout instant et ont contribué à faire de cet événement la preuve indiscutable que la musique est plus que jamais vivante.